TWO-LANE BLACKTOP, Monte Hellman, 1971
par Paul Vecchiali


Ce film qui passe presque inaperçu est certainement l’oeuvre la plus passionnante, la plus juste, qu’il nous ait été donné de voir ces dernières années.

Ses défauts commerciaux sont sans doute cette tranquille assurance de la construction et la suprême discrétion de ses intentions.

S’attachant à décrire le comportement de deux copains, fanatiques de voitures trafiquées, aventuriers modernes à la recherche de sensations physiques qu’ils savourent dans le silence, orgueilleusement, mais avec le féroce humour des solitaires, Monte Hellman, par les gens qu’il leur oppose, et en particulier ce quadragénaire mythomane qui, lui aussi, à sa manière, fuit un insupportable présent en inventant sa vie à la mesure de ses interlocuteurs, nous brosse un saisissant instantané, non pas du conflit, mais de la confrontation de deux générations, de leurs angoisses, des moyens propres qu’elles choisissent pour s’en évader ou simplement faire semblant de les ignorer.

Une fille, très jeune, butine de l’un à l’autre, papillon serein, qui sert de léger révélateur et s’en va, conscience pleine, vers d’autres appétits.

D’où viennent ces gens? Où vont-ils? A quelle ronde absurde nous convient-ils? Quelles motivations les guident?

Je n’aurai pas la stupidité de répondre à ces questions, pas davantage ne le fait le film...

Quelqu’un a enfin osé nous présenter des personnages ordinaires, sans le background obligatoire - et rassurant - sans la dramaturgie scolaire de bon ton, avec une pureté de forme, une maturité dans l’observation, une intelligence sensible du détail tout-à-fait exemplaires.

Dans ce cadre unique où l’honnêteté ne sue jamais l’effort, les interprètes se sont magnifiquement intégrés à l’aventure, Warren Oates est prodigieux. Et Laurie Bird, énigmatique et sensuelle, pourrait bien être, d’ici quelques années la super-star qu’attendent les Américains.

Film sans la moindre propagande, film de la pure information, Macadam à deux voies me paraît le plus parfait exemple de ce que devrait être le film politique.

(Revue du cinéma n° 276/277, octobre 1973)


 

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