THE HAPPY TIME
par Vincent Zeis



Cette comédie de Richard Fleischer s’inscrit en 1952 dans une période de rupture pour le cinéaste entre les petits budgets à la RKO comme The Narrow Margin et une carrière de réalisateur de grands projets comme 20,000 Leagues Under the Sea. C’est un film moyen, un film de transition au même titre qu’Arena réalisé l’année suivante. Une chronique de famille de type americana alors qu’en l’occurence c’est du Canada et d’Ottawa qu’il s’agit donne l’occasion d’une leçon de choses. L’histoire relate une série de petits faits menant à l’apprentissage sentimental d’un jeune homme de la communauté francophone. Le recueil de nouvelles n’est pas loin. La francité est bien présente avec les frenchies de Hollywood. Toute la bande est là : Boyer, Jourdan, Dalio. Ne manque que Maurice Chevalier. Le film s’amuse beaucoup avec les clichés sur les français séducteurs. Il prend ces clichés à bras le corps pour en découvrir la vérité profonde. Tout s’organise autour de la découverte du désir sexuel. Cette éducation se fait par des voies détournées mais l’important est qu’elle se fasse. Son caractère nécessaire et naturel est toujours évident. Le message résolument anti-puritain est favorable à l’esprit et au comportement français contre l’éducation anglophone associée à l’hypocrisie, aux calculs et aux sévices corporelles à l’école. Pourtant nul didactisme mais en revanche un heureux mariage entre ce message et une forme détendue mais précise. À une frontalité qui risquerait de faire tomber le film dans la vulgarité Fleischer préfère l’élégance du pas de côté pour traiter son sujet.

Un recul bienheureux est pris devant chaque situation narrative qui ajoute une étape à la leçon morale. La famille et la maison deviennent le théâtre de toutes les dimensions de la vie qui sont rappellées par le père : l’amour, le désir, l’amitié, la fidélité et la solidarité. Le film est l’occasion de mesurer l’étrange maîtrise de la représentation et des mentalités du 19ème et du début 20ème siècles par Fleischer tout au long de sa carrière, étrange par sa perfection tranquille et sa sérennité souveraine. L’approche est nostalgique avec les chansons et le jeu à l’ancienne encouragé chez les acteurs mais la violence du présent est néanmoins ce qui importe à Richard Fleischer. Kasznar se saoule en temps réel tout comme Jourdan monte les escaliers et Boyer joue du violon. La culture grivoise qui sert de declencheur, de terreau favorable à l’éveil de la sexualité de Bobby Driscoll, acquiert une présence saisissante à travers la couverture du magazine et les porte-jarretelles collectionnés par Jourdan.

Tout comme est indubitable l’existence concrète du monde domestique, scolaire et érotique avec la planche à repasser, le baiser volé, l’appareil dentaire de la copine, le masque de baseball et même le visage de Valentino sur l’écran de cinéma. Pourtant Fleischer ne fait pas que regarder vivre ses personnages et qu’observer sa chronique retomber sur ses pieds. Il intègre les actions à leurs environnements en créant différents niveaux de profondeur de champ dans un style transparent qui ne se permet d’insister que sur des points essentiels à l’évolution et à la compréhension de l’initiation de Bobby Driscoll. Cela se fait par un raccord sur la fille attendant à la porte, par un plan sur l’envol des oiseaux, par l’utilisation du passe-plats ou par un plan des jambes de la danseuse visibles par la rampe des escaliers. Toutes choses qui changent et vengent de l’esthétisme guindé, agité ou absurde de toutes les reconstitutions françaises ou américaines depuis les années 1980.

 

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