THE NEW CENTURIONS
par Jacques Lourcelles





Claude Beylie me demande de réparer une injustice commise dans Écran à propos de ce film qui figure maintenant, à juste titre, dans une liste des policiers les plus représentatifs de l’histoire du cinéma[1]. Que dire en quelques lignes d’une oeuvre aussi riche et aussi profonde ? Son sujet : la dégradation de la vie dans les villes, observée sous l’angle de la morale et du tragique. Tragique quotidien, nourri du désespoir d’un auteur qui, malgré son désir, ne voit pas d’issue. Tout véritable auteur tragique l’est malgré lui. Richard Fleischer, après avoir signé l’un des films les plus sombres et les plus vertigineux de ces dernières années (10 Rillington Place), tire ici de son désespoir deux admirables portraits d’hommes à partir desquels se dévellope, le plus classiquement du monde, sa méditation : non pas un éloge de la police, mais une suite de réflexions sur l’impossibilité d’être flic dans la ville contemporaine. Représentant la loi au milieu de gens qui n’y croient plus, Kilvinski (George C. Scott) s’est forgé la sienne qui lui a réussi à peu près tout au long de sa carrière. Il est mis à la retraite, occasion pour lui de constater sa propre inutilité : la loi qu’il a créée disparaîtra avec lui. Il se suicide. Son jeune co-équipier, un étudiant en droit passé flic, aurait-il la vocation ? Étrange vocation : c’est plutôt l’impossibilité de l’accomplir qui le fascine et lui dicte d’entrer à n’importe quel prix dans la carrière. Blessé deux fois au ventre, il en réchappe la première, mais ne se relève pas la seconde. Issues bouchées de quelque côté qu’on se tourne.

The New Centurions est un parfait spécimen de la deuxième génération du film noir. Le « noir » n’est plus ici un effet de l’art, mais la couleur tout juste réaliste du gouffre dans lequel s’enfonce peu à peu, sans espoir ni recours, l’habitant des cités modernes.




Note :


[1] « Film policier – Film criminel », Écran nº 32, janvier 1975.


(Écran nº 32, janvier 1975, p. 14)

 

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